PARIS (Reuters) - La gauche est de retour au pouvoir en
France avec l'élection dimanche du socialiste François Hollande à la
présidence de la République, 31 ans après François Mitterrand.
Selon les estimations des instituts de sondage
diffusées à 20h00, le député de Corrèze est élu avec 51,9% des voix
contre 48,1% au président sortant Nicolas Sarkozy (Harris Interactive),
avec 51,8% contre 48,2% (CSA), 52% contre 48% (TNS Sofres-Sopragroup),
51,9% contre 48,1% (Ipsos-Logica Business Consulting).
Le taux de participation dépasserait les 80% au second tour du scrutin, selon les instituts.
A 57 ans, François Hollande, qui n'a jamais exercé de
fonctions gouvernementales en trente années de carrière, devient le
septième président de la Ve République à sa première candidature, comme
Nicolas Sarkozy en 2007 ou Valéry Giscard d'Estaing (1974) et Georges
Pompidou (1969).
Surnommé parfois "le Pompidou de gauche", François
Hollande s'est engagé dès avant le verdict des urnes à une présidence
"juste", réconciliatrice et rassembleuse, en rupture, n'a-t-il cessé de
souligner, avec le quinquennat Sarkozy.
Ce tournant dans l'histoire politique nationale et
européenne marque de fait un cinglant désaveu pour Nicolas Sarkozy, qui
jusqu'au bout aura espéré en un sursaut de "la France silencieuse" mais
n'aura jamais vraiment pris la mesure du désamour à son égard.
Les politologues expliquent la sévérité du score tout
autant par l'existence d'un désir d'alternance en France que par un
rejet de la personne du président sortant.
Nicolas Sarkozy, qui avait affirmé durant la campagne
qu'il arrêterait la politique en cas d'échec, ne sera pas parvenu à
surmonter son handicap du premier tour - il était arrivé en seconde
position derrière François Hollande avec 27,18% - malgré la quête
forcenée des suffrages des quelque 6,5 millions d'électeurs du Front
national.
VERS UNE PASSATION DE POUVOIRS LE 15 MAI
Cette stratégie a heurté jusque dans les rangs de la
majorité, désormais confrontée à une recomposition douloureuse, et
poussé le centriste François Bayrou à un choix sans précédent, celui de
voter pour le candidat socialiste.
Les élections législatives des 10 et 17 juin prochains
sont la prochaine épreuve pour la droite, qui redoute un raz-de-marée de
gauche et l'émergence de l'extrême droite.
Si la gauche l'emporte, ce qui devrait advenir en toute
logique, elle détiendrait tous les leviers du pouvoirs, exécutifs et
législatifs, en France.
Le mandat de Nicolas Sarkozy prendra fin le 15 mai. La
passation de pouvoirs devrait se dérouler dans la foulée, puis la
nomination d'un gouvernement. La première secrétaire du Parti socialiste
Martine Aubry et le président du groupe PS à l'Assemblée, Jean-Marc
Ayrault, sont pour l'heure favoris.
François Hollande avait déclaré qu'élu, l'un de ses
premiers actes serait de transmettre à ses partenaires européens un
mémorandum en vue de la renégociation du pacte budgétaire européen afin
de l'assortir de mesures sur la croissance.
"Avec la victoire de François Hollande, le changement
en Europe, c'est maintenant", a déclaré Hannes Swodoba, le chef du
groupe socialiste et démocrate au Parlement européen.
Nicolas Sarkozy est le 11e dirigeant de l'Union européenne déchu du pouvoir depuis la crise financière de 2008.
A Paris, une clameur de joie s'est élevée à l'annonce
des premiers résultats rue de Solférino, devant le siège du PS, et
alentour, où une foule compacte agitait des drapeaux et des roses, ainsi
qu'à la Bastille, où une grande fête s'était déroulée le 10 mai 1981,
date de l'élection de François Mitterrand.
François Hollande, qui se trouvait dimanche dans son
fief corrézien de Tulle, devait regagner la capitale dans la soirée.